Figures libres
A la découverte d’un monde parallèle, abstrait et sensuel, peuplé de formes singulières.
La forme, c’est le fond qui remonte à la surface, écrivait Victor Hugo. Dans les toiles de Bénédicte François, le fond, riche de mille promesses, est un savant palimpseste de pigments duquel émerge une abstraction pleine de fantaisie, ensorcelante et limpide, libérée de toute espèce de diktat esthétique. Portée par la créativité hors normes de l’artiste, cette abstraction infiniment renouvelée s’approprie l’étendue et se démultiplie en ondes volatiles, en aplats lumineux et en couleurs intenses. L’eau qui s’évapore de la surface d’un lac, qui échappe à l’attraction en se transformant en volutes de vapeur au cœur desquelles la lumière vient iriser de fugitifs reflets, doit ressentir de manière semblable le même attrait pour l’espace. La peinture de Bénédicte François est l’expression d’un puissant appel d’air, d’un irrépressible goût pour l’ailleurs. Ce qui émerge nous emporte dans les hautes atmosphères, là où la vue est dégagée, où le signe comme la ligne se parent d’enchantement.
Il se déploie sur la surface du tableau une écriture dont il faut prendre lentement la mesure. Des courbes sans fin inscrivent un alphabet de méandres audacieux, des formes inconnues inventent des figures qui résonnent d’échos inattendus. D’autres formes encore, cerclées de noir, chacune emplie d’une couleur chatoyante, surgissent telles les fruits étincelants du mystère.
Cette puissante énonciation colorée ne se rattache à rien qui ne nous est déjà marqué le regard. La peinture ici est expression personnelle et originale d’un univers intérieur atypique. On pourra y percevoir de grandes filiations (Raoul Ubac par exemple) mais elle trace son chemin hors des sentiers battus. Il n’est pas si fréquent qu’une peinture abstraite s’affranchisse à ce point des codes du genre.
Face aux œuvres pleines de sensibilité de Bénédicte François, il faut savoir débrancher le cerveau. Se laisser aller. S’immerger dans la peinture et s’abandonner au ressenti. Sans parti pris, avec l’innocence de l’enfant. On y éprouvera alors une forme de béatitude qui tient tout autant des vibrations de la matière que du paroxysme des couleurs ou de la fécondité des formes. La peinture ici est un point de départ vers l’inconnu. Il est possible d’embarquer à tout moment. Le voyage est sans danger aucun.
Ludovic Duhamel – Rédacteur en chef magazine Miroir de l’Art
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